24èmes Journées Saint François de Sales - Compte rendu
Lourdes - 22 au 24 janvier 2020
Compte rendu
24èmes Journées Internationales Saint François de Sales à Lourdes
22 au 24 janvier 2020
« Médias et proximité »
Compte rendu de Faustine Fayette, journaliste à Bayard Service
#JSFS2020
250 participants, dont 50 représentants de plus de vingtaine de pays.
Journée du mercredi 22 janvier 2020
Ouverture
Mgr Olivier Ribadeau Dumas,
Recteur du sanctuaire de Lourdes.
Lourdes est le lieu de la rencontre, le lieu où l’on accepte l’inexplicable. Lieu de l’accueil de tous, de la fraternité. Lieu de la piété populaire. Lieu de grâces.
Lourdes ne se dit pas mais se vit. À Lourdes, c’est la proximité qui se vit car à Lourdes, tout est affaire de relation, à commencer par Bernadette et Marie.
Jean-Marie Montel,
Président de la Fédération des médias catholiques,
Directeur général adjoint de Bayard,
consulteur du Dicastère pour la Communication du Vatican
Nous sommes là pour confronter nos points de vue et partager nos espérances, redire qui nous sommes, penser à frais nouveaux la raison d’être de nos médias et retisser, sous l’angle de la proximité, les liens si particuliers et si forts qui nous attachent à nos publics.
Depuis maintenant 24 ans, les professionnels et les bénévoles des médias catholiques se retrouvent pendant quelques jours pour confronter leurs points de vue et partager leurs espérances. En ces temps agités pour la presse, en ces temps tumultueux pour l’Église, en ces temps de digitalisation croissante de la relation avec nos lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, nous retrouver ensemble pour partager nos convictions est revivifiant, au-delà nos sensibilités éditoriales concurrentes sinon complémentaires.
Le Cardinal Philippe Ouédraogo, archevêque métropolitain de Ouagadougou (Burkina Faso) et président du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar remettra le troisième prix « Père Jacques Hamel » à Pierre Jovanovic pour un article paru dans La Vie. Roseline Hamel, la sœur du père Jacques, est avec nous, en mémoire de son frère assassiné.
Paolo Ruffini,
Préfet du Dicastère pour la Communication du Vatican.
Nous vivons des temps tumultueux dans le monde ecclésiastique. Nous essayons de rattraper constamment le temps pour revenir sur nos erreurs, pour expliquer… et c’est paradoxal, car au contraire, nous devrions prendre le temps. Heureusement, ces Journées Saint François de Sales nous permettent de prendre le temps.
La communication ne doit pas être du racontage, du papotage. Il faut pouvoir réfléchir avec profondeur. La sagesse ne doit pas être noyée dans les bruits tumultueux. Il faut s’arrêter pour regarder ce qui est petit et grand. Il faut pouvoir choisir et raisonner. La vraie sagesse est là pour abattre les murs et construire des ponts, nous rappelle le pape François. La sagesse est là pour servir la rencontre et la proximité. On ne se rapproche de la vérité que si on se rapproche de l’autre. Il faut être constructif.
Pour comprendre la vérité de notre temps, il faut se tenir dans les rues de nos villes. Nous ne les regardons plus et cela ne nous touche plus. Une personne qui adopte les yeux d’un enfant peut combattre l’inhumanité. Il faut miser sur la rencontre.
Nous sommes tous des communicants. Nous devons associer ce destin que nous racontons dans tel ou tel article à ceux des autres. Communiquer, c’est chercher un lien, chercher des relations. Il faut essayer de créer un dialogue.
Nous sommes convaincus de tout savoir et du coup, nous avons perdu la capacité de nous surprendre. Il faut oser. « Il faut oser voir l’enfer de notre époque », selon le mot d’Italo Calvino, écrivain athée, mais il faut aussi faire que cet enfer ne dure pas. Il nous faut poser un regard différent. Il faut raconter. Nous avons une responsabilité.
Communiquer se fonde sur la confiance, pas sur le calcul. La communication doit servir la communion. La communication chrétienne raconte les histoires des personnes.
François Ernenwein,
Rédacteur en chef à La Croix.
La proximité hante les discussions sur les médias. Les médias sont interpellés sur le fait qu’ils ne seraient pas assez proches… Cf. 33e Baromètre des médias – La Croix 2020 : https://www.la-croix.com/Economie/Medias/Barometre-medias-pourquoi-4-Francais-10-boudent-linformation-2020-01-15-1201072072
Il nous faut interroger notre capacité à être à l’écoute des Français, des lecteurs. La question concerne aussi les journalistes et médias internationaux. Il y a une crise générale de confiance dans les médias. Aujourd’hui une bataille est engagée dans le monde entier contre les fake news. Ce n’est pas l’image seulement des journalistes et des médias qui est en danger mais c’est la démocratie qui est menacée car cela menace le dialogue.
C’est la bataille de l’émotion et de la raison. Il nous faut analyser les causes de cette crise journalistique mais aussi analyser les raisons des critiques de la part de nos lecteurs. Jusqu’à quel point devons-nous écouter les souhaits de nos lecteurs ?
L’horizon de la proximité
Un impératif catégorique
Comment la proximité doit être au cœur de nos titres ? Quelle place pour l’info locale / nationale / internationale… ?
P. François Euvé, directeur de la revue Études
Comment la proximité est-elle tenue dans la revue Études ?
Il y a d’abord une grande fidélité des abonnés qui ont un fort attachement à la revue. La confiance qui nous est faite est liée à l’histoire de la revue, liée aussi à une manière de faire, presque plus que le contenu en soi. Notre manière de faire tient en trois mots :
- Frontière
C’est la caractéristique de notre monde pluriel. Il faut repérer les différentes propositions et savoir se positionner. Quand les frontières sont identifiées, alors elles permettent la rencontre. Dans notre revue, la rencontre peut se faire notamment avec l’ouverture des signatures à des auteurs de différents styles, de différents positionnements (Ex : Mazarine Pingeot). Les frontières permettent le dialogue.
- Dialogue
C’est la manière que Dieu a choisi à l’égard du monde. C’est la meilleure manière de cheminer vers la vérité. Cela nécessite un enracinement solide vis-à-vis de son héritage mais aussi un décentrement de soi pour être à l’écoute. Cela suppose de reconnaître que nous ne sommes pas propriétaires de la vérité.
- Discernement
Il repose sur un constat de complexité des situations. Il suppose de se demander : qu’est-ce qui construit ? Qu’est-ce qui rassemble ? Or, aujourd’hui, la complexité ce n’est pas très vendeur. Ce qui marche, c’est la logique tranchée, binaire. Il nous faut apporter de la nuance, c’est elle qui permet la rencontre dans une communauté.
François-Xavier Lefranc, rédacteur en chef d’Ouest-France.
Ouest France : 1er quotidien français, 2 500 000 lecteurs / 55 agences locales
La proximité est un sujet majeur sur lequel nous sommes particulièrement interpellés.
Ouest-France a été créé par des résistants en 1944, à la libération. En 1990, les dirigeants font le choix de placer le journal dans le cadre d’une association à but non lucratif. Les membres sont bénévoles. Le journal est indépendant. Tout l’argent gagné est remis dans l’économie du journal.
Proximité : d’un territoire, mais aussi dans les thèmes, dans le prix du journal. Politique de prix bas. Proximité dans le langage. Travailler les mots pour rendre le langage compréhensible. C’est notre capacité à montrer la réalité, les personnes.
Les « gilets jaunes » ont exprimé le sentiment de se sentir « méprisé » par les médias. Dans la rédaction, on a trouvé ça injuste, ça a été un vrai traumatisme. 71 % des lecteurs nous disent qu’ils ont le sentiment qu’on ne prend pas en compte leur réalité.
Est-ce que les journalistes ont encore du temps à consacrer aux gens ? La question se pose douloureusement dans beaucoup de rédactions. Des rédactions font le choix de diminuer les ressources de reportage mais c’est compliqué. Le problème : si on diminue le reportage, c’est le début de la fin.
Ouest-France s’est questionné : à quoi sert-on aujourd’hui ?
- Animer le débat ;
- Respecter la dignité humaine ;
- Journalisme de proximité, populaire, informant de la commune au monde (développement des reportages à l’international) ;
- Journalisme à l’écoute des attentes.
On organise des temps de rencontre avec les lecteurs :
- Assises nationales de la citoyenneté ;
- Soirées mémoire : débats sur des sujets d’actualité, ancienne ou actuelle ;
- Initiatives aussi de diffusion auprès de publics éloignés de nous : en prison par ex., auprès de publics en difficulté.
Ouest-France solidarité : récolte de fonds pour aider sur des projets.
Création de « La Place » avec les abonnés (600 000). On a amené quinze abonnés pour visiter les Institutions européennes. On multiplie les rencontres. Le journaliste doit être avec les personnes et leur permettre de s’exprimer.
Proximité : le défi majeur ?
Demain, ou les journalistes sont proches ou il n’y aura plus de journalisme.
Exemple sur le traitement des élections !
Il est urgent de reprendre la main sur ce dont nous voulons parler dans nos journaux. Il nous faut développer le temps de présence sur le terrain. Ne pas se laisser entraîner par des polémiques. Ex : les Road trip par des journalistes pour être au plus près du terrain.
La Presse Quotidienne Régionale reste très importante.
Notre pays est très centralisé. Mais on s’aperçoit de plus en plus qu’il est indispensable de montrer ce qu’il se passe dans les régions. Il y a beaucoup de liens citoyens qui se recréent et nous devons être là pour le raconter.
Comment garder le temps pour les journalistes ?
Nous avons choisi d’écrire moins en quantité mais plus en qualitatif. Nous avons mis plus d’énergie et de moyens sur des reportages et enquêtes. Nous avons décidé d’être très sélectifs et de bien travailler les sujets choisis.
La proximité, ne serait-ce pas aussi oser déplacer le lecteur ? Il y a une tension créative à introduire.
La proximité, ce n’est pas « servir ».
Le numérique est une chance et un risque. Cela nous a amenés à être lus par des gens qui ne nous lisaient pas (70 % hors de notre zone géographique).
Actionnaires, journalistes, publics
Benoît Raphaël,
chef robot officer chez Flint
http://benoitraphael.com/benoit-raphael
On fait le constat que la confiance baisse, mais elle ne remonte nulle part. Le pire, c’est le désintérêt de plus en plus grand pour l’information. Or moins on est informé, moins on est armé pour prendre des décisions. On se sent écarté et c’est là que vient la révolte. On devrait avoir une hygiène informationnelle. On n’a jamais appris à prendre soin de notre information. On doit apprendre à se responsabiliser.
Retour sur deux expériences menées :
- Nice Matin, un journal racheté par ses salariés :
Du coup, à quoi doit servir ce journal ? Il doit informer mais aussi donner des solutions. Journalisme de solution => cela donne envie d’en savoir plus => on lit plus => on est de meilleure humeur.
Comment on rend responsable nos abonnés => on les rend responsables d’un projet : ils ne payent pas un contenu, mais sont porteurs d’un projet. L’offre numérique s’est développée. On a multiplié par trois le nombre des abonnés.
- Robot Flint :
Autre expérience pour responsabiliser la personne dans ses choix médias. Robot Flint va personnaliser les articles. C’est intéressant de voir l’implication du lecteur dans le choix de l’info. La qualité de la réception de l’info va impacter la qualité de la lecture.
Ana Cristina Montoya, professeur à l’Instituto Universitario Sophia
Spécialiste de la compréhension générative. Dynamique du dialogue interculturel.
Nous devons repenser notre profession. Il y a un potentiel et de nouveaux outils pour cela. C’est une opportunité.
La proximité, c’est un « espace entre » qui a été raccourci. La proximité est associée à la chaleur, à la tendresse. Mais c’est surtout une relation et notamment une « relation sociale ».
La « communication de proximité » peut-elle donner forme à une communication sociale ? La communication est une diffusion d’informations. En tant que communicateur, nous avons une réelle responsabilité.
L’essor d’Internet a changé notre notion de temps. Notre société actuelle subit un développement de multiples réseaux et chacun peut prendre la parole. Cela implique que nous sommes interdépendants.
La question à se poser est : Quand l’individu de notre temps se lève le matin, pourquoi a-t-il besoin de partager avec d’autres ? Qu’est-ce que cette rencontre provoque ? Ou m’apporte ?
L’avenir offre une pléthore de possibilités. Le futur est une culture de la rencontre.
L’être humain est destiné à communiquer. Mais avec quel type de communication ? Lorsqu’il y a une réelle communication de qualité, c’est là que l’on crée des liens générationnels, c’est là qu’on crée des avantages. Ce sont ces initiatives qui créent la qualité de la relation, qui créent la solidarité… Autour des médias, il faut créer une communauté. Mais il faut un ton et des nuances qui le permettent.
=> Notre responsabilité est déjà dans la présentation des faits. Souvent on sort du contexte, on ne présente plus les contextes, les relations sociales qui portent les faits. On a aussi laissé notre esprit se numériser, fonctionner en binaire « 0/1 ». Il faut rentrer dans les nuances de l’histoire humaine.
=> Il faut changer notre regard.
Il faut dépasser les histoires paresseuses. Il ne faut pas seulement raconter l’histoire. Avec les faits, il faut mettre en lumière les plus vulnérables, les plus écartés mais cela demande de (se) mettre en perspective. Il faut que nous nous soyons capables de voir l’histoire humaine, il faut toujours replacer la personne au centre du discours.
quel type de relation donne vie à quelle communication ?
Le dialogue interne est le prémice de notre action. Il faut créer notre réseau, être plus au clair. Adopter un ton qui nous permette d’aller de la fragmentation vers l’unité. Passer des médias à la médiation, passer de la conviction à la proximité.
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